chapitre 2

POSER LES BASES AVEC LES DONNÉES CITOYENNES

la capacité de produire

des preuves

Si les Coalitions nationales pour l’accès à la terre ont forgé des partenariats, plaidé, manifesté et élaboré des politiques pour inspirer la transition vers une gouvernance foncière centrée sur les personnes, nous avons soutenu leurs efforts à l’aide de données. Pendant ce triennat, en donnant à notre réseau la possibilité d’utiliser et de produire des initiatives de données citoyennes comme LANDex et LandMark, nous avons permis aux communautés avec lesquelles nous travaillons de produire des données probantes pour garantir des dialogues productifs avec les pouvoirs publics, et donc un siège à la table des négociations. À maintes reprises, les organisations populaires et des peuples ont recueilli, géré et utilisé des données citoyennes sur les droits fonciers, exposant les inégalités structurelles, plaidant pour la transparence et développant ainsi une action collective.
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rapports ont utilisé des données citoyennes pour rendre des comptes 

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 rapports parallèles et contre-rapports 

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rapports de pays sur les ODD 

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des personnes contribuant à LANDex sont des femmes 

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organisations populaires et des peuples dirigeant la collecte de données dans 29 pays 

Utiliser les données pour défendre les défenseurs et défenseuses
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 D’après Global Witness, 2 106 défenseurs et défenseuses de la terre et de l’environnement ont été assassinés depuis 2012.

« L’assassinat de mon mari n’a fait que renforcer notre unité et nous a rendus plus forts dans nos revendications territoriales »

Le choix que font les personnes, de notre réseau et au-delà, de défendre leurs terres et leurs ressources naturelles, n’est pas fait à la légère. Elles défendent leur mode de vie, leur système de croyances et leur avenir. Elles mènent un combat contre des schémas d’injustice profondément ancrés, défient d’importantes puissances politiques et économiques, et se retrouvent dans des situations extrêmement dangereuses, voire, souvent, fatales. Peu de choses mettent les gens plus en danger que le fait de défendre leur droit à la terre. D’après Global Witness, 2 106 défenseurs et défenseuses de la terre et de l’environnement ont été assassinés depuis 2012.

Dans les Philippines, l’un des pays les plus dangereux au monde pour les défenseurs et défenseuses des droits fonciers, Teresita Tarlac a failli être écrasée par un tracteur envoyé par d’anciens propriétaires terriens qui n’avaient pas réussi à la corrompre ni à la menacer de quitter ses terres. Son collègue, l’époux de Maria Leony Denagiba, a été tué par des gardes armés envoyés par d’anciens propriétaires terriens. 

Les histoires comme celle de Maria Leony Denagiba nous motivent encore davantage à trouver des solutions plus efficaces et plus solides pour aider les personnes en première ligne à garantir les droits fonciers de leurs communautés.

Cela fait partie de l’engagement de l’ILC: faire tout notre possible pour protéger nos membres et leurs communautés, poursuivis, intimidés et marginalisés uniquement parce qu’ils plaident pour le changement. 

La découverte de la face cachée de l’iceberg

L’une des armes les plus puissantes que nous donnons à nos membres pour se défendre sont la transparence et la visibilité que fournissent les données citoyennes. Entre 2022 et 2024, alors que s’intensifiait la crise climatique et que la transition verte introduisait de nouvelles menaces, nos données ont confirmé ce que les récits partagés dans ce rapport indiquaient déjà. Les défenseurs et défenseuses qui protègent les régions névralgiques de la biodiversité et puits de carbone critiques sont de plus en plus pris pour cibles, y compris par des poursuites pénales. De plus, chaque assassinat d’un défenseur ou d’une défenseuse recensé en 2022 s’accompagne d’au moins cinq attaques non mortelles. 

Cette tendance sinistre est clairement décrite dans notre rapport 2024 Uncovering the Hidden Iceberg. Ce rapport, qui en est aujourd’hui à sa troisième édition, constitue le premier effort mondial pour recenser les violences non mortelles perpétrées à l’encontre des défenseurs et défenseuses de la terre, de l’environnement et des peuples autochtones. Année après année, il révèle que l’assassinat d’un défenseur ou d’une défenseuse n’est que la partie émergée d’un iceberg beaucoup plus profond et caché. En 2024, pour la première fois, nous avons analysé un jeu de données mondiales couvrant 46 pays. Tout comme en 2022 et en 2023, nous confirmons que l’Amérique latine, en particulier la Colombie et le Guatemala, continue d’être la région la plus dangereuse pour les défenseurs et défenseuses de la terre, de l’environnement et des peuples autochtones. 

Uncovering the Hidden Iceberg a dévoilé deux autres tendances, plus inquiétantes encore, en 2024. Premièrement, comme les années précédentes, les peuples autochtones, comme Reng Young Mro et sa communauté au Bangladesh, sont ciblés de manière disproportionnée. S’ils représentent 6% environ de la population mondiale, ils sont la cible de près d’une attaque sur quatre (24,2%). Deuxièmement, dans tous les pays, les défenseurs et défenseuses qui dénoncent les préjudices causés par l’exploitation minière et l’agriculture industrielle de grande échelle, comme Anci Tatawi en Indonésie ou Teresita Tarlac aux Philippines, sont systématiquement les plus en danger. Ces secteurs étaient associés à 64,4% des attaques.

« Ils m’ont offert plusieurs millions [de pesos] pour cesser de défendre cette terre, mais je me suis dit que si je cédais à la peur, c’est la génération suivante tout entière qui allait souffrir de la faim, et que je serais la seule à être riche. Je n’ai pas eu peur. S’ils me tuent, il y aura d’autres Teresitas pour prendre ma place et poursuivre la lutte. »

En 2024, nous avons aussi pu corroborer et suivre les schémas généralisés de violence croissante qui précèdent l’assassinat des défenseurs et défenseuses. Nous avons, par exemple, raconté l’ascension de l’iceberg de José Albeiro Camayo Guetio, un défenseur des droits fonciers autochtones en Colombie. Destinataire de menaces dès 2014, José Albeiro Camayo Guietio a survécu à une série d’attaques de plus en plus importantes au fil des années jusqu’à son assassinat tragique en 2022, malgré plusieurs demandes de protection.

Des manquements cruciaux dans les rapports des États

Nos travaux sur la face cachée de l’iceberg donnent à réfléchir. Mais nous ne racontons pas l’histoire de José ni celles d’innombrables autres personnes comme lui, pour céder au désespoir. Bien au contraire: en exposant les schémas de violence généralisée qui précèdent l’assassinat de défenseurs et défenseuses de la terre, de l’environnement et des peuples autochtones, nous demandons des comptes. 

Sans données exhaustives, fiables et opportunes, les pouvoirs publics ne peuvent concevoir des mécanismes de protection ou des politiques publiques efficaces. Ils manquent à leur responsabilité d’empêcher et d’atténuer ces violences et de respecter leurs engagements auprès de la communauté internationale. 

Chaque année, pour attirer l’attention sur leurs manquements, nous élaborons le rapport A Crucial Gap avec ALLIED. Dans ce rapport, nous examinons les obligations des États au regard de l’indicateur 16.10.1 des ODD pour exposer les limites des rapports officiels délivrés dans le cadre de leurs examens nationaux volontaires. 

A Crucial Gap est un cri de ralliement pour une action urgente. Les gouvernements commencent à peine à reconnaître les violences perpétrées à l’égard des défenseurs et défenseuses des droits humains. En 2023, comme l’indique le rapport 2024, seuls 7,7% des examens nationaux volontaires des pays communiquaient des données relevant de l’indicateur 16.10.1. De fait, sur les 330 examens nationaux volontaires soumis depuis 2015, seuls 19 comportaient des données sur les attaques perpétrées à l’encontre des défenseurs et défenseuses des droits humains. Le rapport A Crucial Gap souligne par ailleurs que les données relatives à l’indicateur 16.10.1 des ODD ne sont pas ventilées par profession ou affiliation, ce qui rend impossible l’identification des défenseurs et défenseuses des terres, de l’environnement et des peuples autochtones; ce, malgré les données suggérant que ces groupes représentent la moitié des cas. 

À six ans de l’échéance des ODD, les rapports Hidden Iceberg et A Crucial Gap sont des outils de plaidoyer fondamentaux. Nous continuerons de les utiliser pour demander aux États de suivre les attaques perpétrées contre les défenseurs des droits humains et de protéger ces derniers, en reconnaissant le rôle important que jouent les données axées sur les personnes.

Étude de cas

de nouvelles données révèlent que l’exploitation illégale du bois détruit les forêts du Suriname

Quand vous sortez de l’aéroport international Pengel, à Paramaribo, au Suriname, vous vous retrouvez face à un grand panneau sur lequel vous pouvez lire: « Bienvenue au Suriname, le pays le plus boisé du monde ». Cette affirmation, censée être un point de repère pour les touristes en quête d’aventure, est un point de discorde pour bon nombre de personnes.

Située juste en dessous d’une image ternie de la faune et de la flore nationales, elle inflige un affront particulier aux Saamakas. Ce peuple tribal, descendant des esclaves africains qui ont échappé puis négocié leur liberté avec leurs colons néerlandais, protège, depuis plusieurs siècles, la riche biodiversité du pays et son territoire ancestral de 1,4 million d’hectares situé dans la forêt amazonienne. Il est l’une des principales raisons pour lesquelles 92% du couvert forestier du Suriname demeurent intacts. Malgré cet héritage, le Suriname ne reconnaît ni ne respecte les droits territoriaux des Saamakas.

Les Saamakas espèrent aujourd’hui que la plateforme LandMark fera la différence dans le combat qu’ils mènent depuis plusieurs générations pour leurs droits fonciers et territoriaux. En 2024, LandMark a publié d’importantes mises à jour. La plateforme de cartographie couvre désormais 33,9% des ressources naturelles foncières de la planète détenues et gérées par des peuples autochtones et communautés locales, ce qui nous rapproche des 50 à 65% réellement détenus selon les estimations. Elle comprend également des couches recensant les points chauds de la diversité et les menaces représentées par l’industrie minière et forestière, permettant ainsi aux usagers d’identifier les terres appartenant aux peuples et communautés autochtones présentant une grande valeur en matière de biodiversité et les concessions industrielles et perturbations dues à l’exploitation minière, aux grands barrages et à l’exploitation forestière illégale.

Ces données sont essentielles pour les Saamakas. En juin 2024, une étude de l’ILC s’est appuyée sur les données de LandMark pour dévoiler les pertes considérables de biodiversité sur leurs terres. Grâce à ces données, les Saamakas ont prouvé que le gouvernement surinamais avait illégalement octroyé 32% de leurs terres, soit 447 000 hectares, à des concessions minières et forestières, menant à la dégradation de plus de 60 000 hectares, une zone de la taille de Singapour. 

Cette étude a par ailleurs démontré que 77% des répercussions négatives sur les terres des Saamakas avaient eu lieu depuis la décision de 2007 de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, qui avait ordonné au gouvernement du Suriname de cesser les activités minières et forestières, de démarquer le territoire appartenant aux Saamakas et de reconnaître légalement leurs droits collectifs. Plus récemment, une concession forestière octroyée en 2022 à Palmera N.V., une société multinationale d’exploitation forestière, a bâti une nouvelle route dans la forêt, malgré l’opposition de la communauté. Cette route lui a donné accès à des centaines d’hectares de forêt tropicale jusque-là vierge. D’une longueur de 56 km fin 2023, la route de Palmera N.V. s’étalait sur 123 km en septembre 2024.

Les conclusions du rapport ont servi à renforcer les dossiers juridiques visant à garantir la propriété foncière et le droit à l’autodétermination des Saamakas, et ont été présentées au cabinet du Président en juin dernier dans l’espoir de déclencher une action. Mais quelques mois plus tard seulement, une autre étude de l’ILC prouvait que la déforestation touchant le territoire des Saamakas entre juin et septembre 2024 avait augmenté de 57% par rapport aux taux observés au cours des six années précédentes.

En collaboration avec ses membres, ses partenaires, y compris le World Resources Institute et Land Rights Now!, la Coalition internationale pour l’accès à la terre est fière d’avoir soutenu la manifestation pacifique des Saamakas en juin et leur campagne numérique pendant la COP16 en octobre 2024, qui ont donné un second souffle à leur pétition sur change.org. En plus d’avoir attiré l’attention de la presse internationale, la pétition a atteint plus de 27 486 comptes et généré près de 2 000 engagements sur nos diverses chaînes numériques.

Le Kenya intensifie son engagement

Nous savons déjà que ce type de plaidoyer fonctionne. Notre partenariat avec ALLIED sur A Crucial Gap a célébré une grosse victoire en 2023 et 2024, lorsque le Kenya a amendé sa façon d’élaborer des rapports sur les défenseurs des droits humains. 

En 2023, ALLIED a répondu à une demande de la Commission nationale des droits de l’homme du Kenya de soumettre des données sur les attaques perpétrées contre les défenseurs et défenseuses de la terre, de l’environnement et des peuples autochtones. L’année suivante, la Commission a pu valider les données et les a transférées, dans le cadre d’un protocole d’entente officiel, au Bureau national de statistique du pays pour intégration dans l’examen national volontaire du Kenya. Samson Omondi, qui dirige les travaux relatifs aux données au sein de la Commission, a insisté sur le pouvoir transformateur des données citoyennes dans ses travaux.

Le Kenya illustre de façon prometteuse comment les données citoyennes peuvent encourager les États à assumer leurs responsabilités, et favoriser ainsi l’adoption de meilleures politiques publiques et l’instauration de sociétés plus inclusives et pluralistes.

« Lorsqu’on parle de ne laisser personne de côté, les organisations de la société civile sont celles qui opèrent réellement à l’échelle locale, et je pense que la spécialisation et la portée à un niveau très local [font toute la différence] », nous explique Omondi. « Ces facteurs donnent aux OSC l’occasion de travailler directement avec l’organisation gouvernementale, pour que les problèmes qu’elles rencontrent soient canalisés vers le haut. »
Samson Omondi

Étude de cas

des partenariats sur les données au service du progrès

Comme nous l’affirme Samson Omondi, représentant de la Commission nationale pour les droits de l’homme du Kenya, « avoir des données mal collectées, mal analysées, mal diffusées, c’est pire que de n’avoir pas de données du tout ». L’une des solutions pour garantir une qualité maximale des méthodes que nous utilisons pour collecter, analyser et diffuser les données est le partenariat. Trois d’entre eux se distinguent. 

Premièrement, nous travaillons avec ALLIED, un réseau mondial qui recense les attaques à l’encontre des défenseurs et défenseuses de la terre, de l’environnement et des peuples autochtones. Le Groupe de travail sur les données d’ALLIED, codirigé par l’ILC, a développé un jeu de données intégré dans le but de renforcer la redevabilité et la protection de ces personnes. Ce partenariat, qui produit des rapports percutants comme Crucial Gap et Hidden Iceberg, a poussé des entités clés, comme les Nations Unies, des organismes gouvernementaux et des instituts de défense des droits humains, à améliorer les protections de ces personnes. Il a également reçu le soutien de personnalités importantes, comme le Rapporteur spécial Michel Forst, qui a cité les données d’ALLIED pour exhorter les États à agir. Après le lancement de Hidden Iceberg 2.0 à New York en 2023, l’ILC a par ailleurs été invitée à présenter au Département d’État des États-Unis les réponses des ambassades aux conflits liés aux défenseurs et défenseuses. 

Deuxièmement, en 2023, avec l’appui de l’Union européenne, la Fondation du Portail foncier, l’Initiative Land Matrix, Prindex et l’ILC ont uni leurs forces, afin de renforcer la coordination des données foncières dans les espaces à fort impact, dans le but d’améliorer la sécurité des droits fonciers pour les utilisateurs de la terre et les communautés locales grâce à des politiques et programmes plus éclairés. Ce partenariat relatif aux données souligne la collaboration, la transparence et la minimisation de la fragmentation des données. Il s’aligne sur les cadres mondiaux comme les ODD et les VGGT et favorise les principes FAIR et CARE pour veiller à ce que les données foncières soient ouvertes, réutilisables et appuient une meilleure prise de décision pour des droits fonciers équitables et un développement durable. 

Troisièmement, dans le cadre de LandMonitor, codirigé par la Coalition internationale pour l’accès à la terre et le Fonds international de développement agricole, nous avons comblé une lacune importante en matière de données nationales sur les régimes fonciers et de communication d’informations aux Philippines. Les travaux axés sur les personnes de LandMonitor, qui atteignent selon les estimations 15 000 parties prenantes à travers différents groupes cibles et organisations de la société civile, sont considérables et de grande portée. Le projet a réuni des données auprès des petits exploitants, de communautés autochtones et d’ouvriers ruraux, en s’inspirant de l’expérience de LANDex, de Prindex, de LandMark et d’ALLIED. Nos conclusions mettent en lumière d’importantes disparités en matière de droits fonciers des femmes et soulignent le besoin d’institutions décentralisées qui favorisent la prise de décisions à l’échelle communautaire, en particulier pour les femmes. Le rapport final a modelé la stratégie nationale du FIDA et un investissement national, devenant ainsi un outil de plaidoyer puissant pour nos membres dans leurs échanges avec les acteurs étatiques, y compris l’Autorité statistique des Philippines.

Une deuxième phase du projet est actuellement en cours de mise en œuvre au Brésil. Les résultats préliminaires y font état d’une absence de données officielles sur les régimes fonciers pour certaines populations clés comme les peuples autochtones, qui se heurtent à d’importants obstacles dans la jouissance pleine et entière de leurs droits fonciers établis. Les membres prévoient d’utiliser ces conclusions comme outil de plaidoyer pour faire pression en faveur de l’adoption d’une politique nationale sur la gouvernance foncière affectée d’un budget, entre autres choses.

Étude de cas

un fonds d’urgence pour défendre les défenseurs

Entre 2022 et 2024, les fonds d’urgence ont appuyé 59 affaires de défenseurs et défenseuses de la terre et de l’environnement, soutenant au total 1 613 personnes.

Nous nous tenons aux côtés de nos membres qui sont en première ligne pour les aider à garantir les droits fonciers de leurs communautés, et nous nous sommes engagés à les soutenir de la meilleure façon possible. 

À cette fin, nous avons notamment mis en place un Fonds d’urgence, qui a pour mission de venir en aide aux défenseurs et défenseuses de la terre et de l’environnement susceptibles d’être marginalisés et de faire l’objet de poursuites judiciaires pour le seul fait de protéger les droits fonciers de leurs communautés. 

Entre 2022 et 2024, les fonds d’urgence en Amérique latine, en Asie et en Afrique ont appuyé 59 affaires de défenseurs et défenseuses de la terre et de l’environnement, soutenant au total 1 613 personnes.

Plaider à l’aide des données citoyennes

Les rapports Hidden Iceberg et Crucial Gap sont loin d’être les seules armes que nous utilisons pour pousser les autorités à reconnaître les attaques perpétrées à l’encontre des défenseurs et défenseuses de la terre, de l’environnement et des peuples autochtones, les violations de leurs droits et les autres défis auxquels ces personnes sont confrontées. Partout dans le monde, nos données citoyennes gagnent en légitimité, car de plus en plus d’acteurs étatiques et internationaux en dépendent pour, comme le dit si bien Samson Omondi, « combler les lacunes » que les États, limités par un manque de ressources, de financements ou par leur champ d’action, ne peuvent atteindre. 

Tout comme elles renforcent les initiatives de plaidoyer plus larges en faveur des engagements pour les droits fonciers, ces données servent aux organisations populaires et des peuples pour créer une dynamique collective en faveur de leurs demandes spécifiques.

Au Guatemala, les femmes utilisent des données pour prouver la réalité locale

Le rapport 2021 du Guatemala sur la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) n’ayant pas abordé certaines questions essentielles comme l’accès inéquitable des femmes rurales à la terre et les poursuites judiciaires à l’encontre des défenseuses des droits, les organisations de femmes autochtones ont décidé d’élaborer un contre-récit fondé sur les données.  

Dans leur rapport parallèle 2023, les membres ont utilisé les données de Prindex pour montrer que les femmes rurales étaient 5,5% moins susceptibles de posséder des titres fonciers que les hommes, et que les femmes autochtones et afrodescendantes vivant sur des terres communales estiment jouir de droits fonciers beaucoup moins sûrs que les hommes. Ce rapport souligne également l’importance de l’écart important entre les genres en termes de revenus ruraux, les femmes gagnant 12,01% de moins que les hommes pour des activités agricoles. 

Une fois le rapport terminé, notre réseau de mentorat et de solidarité Women for Women, un réseau vital de femmes de l’ILC se soutenant mutuellement dans leurs luttes individuelles et collectives pour la justice de genre, est intervenu pour aider à le faire passer à l’étape suivante. Avec l’aide du réseau, les défenseurs et défenseuses guatémaltèques de droits fonciers ont présenté leurs conclusions à un forum du CEDAW à Genève, en 2023. Ils y ont transformé ces données en un outil puissant de plaidoyer, demandant au gouvernement de s’engager à mettre à jour ses données sur les régimes fonciers, à les ventiler par genre et à réviser ses critères d’accession à la propriété foncière, actuellement discriminatoires à l’égard des femmes qui poursuivent leurs études supérieures ou choisissent de ne pas avoir d’enfants.

Au Togo, les agriculteurs braquent les projecteurs sur les obstacles à la propriété foncière

Au Togo, la Coalition nationale pour l’accès à la terre, en collaboration avec les organisations paysannes qui la forment, a aidé à élaborer un rapport parallèle de LANDex sur les ODD

Les résultats ont montré que s’ils étaient essentiels à la sécurité alimentaire du pays, seuls 12% des agriculteurs familiaux, dont seulement 1,3% de femmes, avaient reçu une assistance financière. Dans ce rapport, les agriculteurs de tout le pays ont signalé un problème commun: la plupart d’entre eux louent leurs terres sans possibilité d’accès à la propriété. Le Coordonnateur de la Coalition nationale pour l’accès à la terre du Togo, Abdou Rachidou Matcheri, a souligné le rôle joué par ces données dans la création d’un accès clair à la propriété foncière et d’un accès garanti, pour les agriculteurs familiaux, aux ressources financières et techniques requises.

« Ce rapport est très important pour nous, car nous pensons que grâce à lui, les décideurs politiques pourront changer la situation », nous explique-t-il. « La collaboration avec ces différents acteurs à l’échelle régionale nous a permis de comprendre concrètement ce qui se passe pour ces petits exploitants et ces agricultrices dans notre région. »

En Colombie, les jeunes influencent les politiques publiques

Avec l’appui ciblé de l’ILC, la jeunesse rurale de la Colombie, représentée par l’Association de jeunes entrepreneurs (ASOJE), a recueilli et réuni des données qui ont influencé les projets de politiques publiques du gouvernement, démontrant ainsi le potentiel des données citoyennes en matière de transformation des systèmes démocratiques. Après avoir reçu les conclusions de l’ASOJE, le Gouvernement colombien les a intégrées dans son avant-projet de chapitre sur les politiques publiques sur la jeunesse rurale. 

 

La même année, nous avons renouvelé l’engagement de l’ILC en faveur des jeunes, en mettant à jour LANDex pour l’aligner sur les priorités en matière de droits fonciers des jeunes. Après une formation et des consultations approfondies avec les jeunes en matière de données foncières, nous avons créé un jeu de données sur la jeunesse, qui est devenu une partie intégrante des nouveaux indicateurs inclusifs pour LANDex 2.0. 

Les peuples autochtones célèbrent une victoire à la COP16

Tout comme les jeunes Colombiens ont célébré une victoire à l’échelle nationale, les peuples autochtones et les communautés locales ont fêté une victoire en 2024 à l’occasion de la seizième Conférence des parties (COP16) à la Convention sur la diversité biologique (CDB), à Cali, en Colombie.

Le travail a commencé en 2023, lorsque l’ILC a rejoint un groupe de travail technique sur un indicateur relatif à l’utilisation et à la modification des terres pour faire avancer la création et la mise en opération de l’Indicateur des connaissances traditionnelles sur les régimes fonciers et l’utilisation des terres de la Convention sur la diversité biologique (HI 22,1). En collaboration avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, Prindex, LandMark, le Navigateur autochtone, le Forest Peoples Program, ONU-Habitat et la RRI (entre autres), l’ILC a contribué au plaidoyer en faveur de l’indicateur et à l’élaboration de méthodes pour le mesurer.


Lors de la COP16 de la CDB, en 2024, les gouvernements ont officiellement validé l’indicateur comme indicateur principal de la cible 22. Cet indicateur est un mécanisme de redevabilité particulièrement important, qui garantit la protection des droits fonciers des peuples autochtones et des communautés locales et la reconnaissance de ces derniers comme des gardiens des écosystèmes. Dès 2026, les pays seront tenus de faire rapport sur la reconnaissance des droits fonciers pour les peuples autochtones et les communautés locales dans leurs rapports nationaux à la Convention sur la diversité biologique.