Tout au long de ce rapport, nous avons retracé les défis similaires auxquels sont confrontés les différents mouvements communautaires de défense des droits fonciers dans le monde: le chef Semenou Ankou au Togo et Reng Young Mro au Bangladesh résistent aux accaparements des terres, les petites exploitantes Dora Corvalán en Argentine et Teresita Tarlac dans les Philippines font face à l’assaut des grandes agroentreprises, et Anci Tatawi en Indonésie et María Elena Quimbiamba en Équateur luttent pour l’égalité entre les genres dans des contextes sociaux et politiques patriarcaux. Ils ont tous les six choisi de défendre leurs terres et territoires, en sachant pertinemment qu’ils mettaient leur bien-être physique et mental en jeu.
Les histoires d’Ankou, de Mro, de Corvalán, de Tarlac, de Tatawi et de Quimbiamba prennent de l’ampleur lorsqu’elles sont racontées côte à côte, fusionnant pour former les éléments constitutifs d’un récit solide sur la situation des droits fonciers dans le monde. Un phénomène similaire se produit lorsque nos membres s’unissent pour apprendre les uns des autres. En tant que réseau, nous gagnons en force et en dynamisme lorsque nous partageons les victoires et les pièges que nous rencontrons dans nos combats individuels pour les droits fonciers, et en tirons des enseignements.
« Nous estimons qu’il est nécessaire de promouvoir davantage la formulation et l’échange d’expériences de notre organisation avec d’autres processus organisationnels qui travaillent à l’échelle communautaire et régionale, car cela renforcera notre action. De la même façon, il est nécessaire pour nous de forger des alliances avec d’autres membres, de façon à nous protéger les uns les autres contre les dangers. »
Réponses ouvertes à l’enquête Keystone 2024
produits du savoir
formations/sessions de renforcement des capacités
stagiaires participant aux formations de l’ILC
Entre 2023 et 2024, nous avons organisé une série d’échanges de connaissances qui ont affiné nos stratégies en faveur de la gouvernance foncière centrée sur les personnes. Grâce à des visites sur le terrain, à des ateliers et au temps passé ensemble, nos membres sont sortis inspirés et redynamisés de ces échanges et se sont encouragés les uns les autres à poursuivre la lutte pour leur droit à la terre.
« Cet événement m’a fait réaliser que nous n’étions pas seules; les femmes du monde entier visent les mêmes objectifs. Cela m’a donné une plus grande confiance et m’a remotivée. »
Willet Salue, Cheffe de projet pour Women NGO Secretariat of Liberia (WONGOSOL)
femmes de la base
communautés en colombie
En juin 2024 en Colombie, plus de 50 femmes d’organisations du monde entier se sont réunies pour l’échange de connaissances « Semer les connaissances et la résistance » soutenu notamment par Stand for Her Land.
Cette réunion a permis de prendre des mesures concrètes pour faire progresser à la fois la justice entre les genres et les droits fonciers des femmes, par l’intégration de programmes de genre dans les Coalitions nationales pour l’accès à la terre, la formation d’un groupe de travail consacré au genre, et la mise en place d’« espaces de soins sûrs », d’une composante de soutien psychosocial fondé sur le féminisme et d’un mécanisme d’identification des risques. L’événement a aussi ouvert de nouvelles voies pour la collaboration et la solidarité entre Coalitions nationales pour l’accès à la terre, inspirées par la participation de représentantes des Coalitions du Bangladesh et de l’Ouganda.
« Il est vital que les administrateurs du secteur foncier adoptent une approche proactive et innovante pour garantir l’utilisation optimale des terres, puisque cela nous aidera tous à répondre aux besoins en pleine évolution du secteur foncier dans le contexte général de la transformation socioéconomique du 21e siècle »
Mme Jessica Alupo, vice-présidente de l'Ouganda
C'est l'occasion pour nous de répertorier toutes les parties prenantes... afin de nous assurer que toute politique proposée soit inclusive.
Mme Judith Nabakooba, ministre des terres, du logement et du développement urbain, Ouganda
participants
Le même mois que la réunion des femmes de notre réseau en Colombie, 160 décideurs politiques, spécialistes juridiques, leaders communautaires et groupes de plaidoyer de 35 pays se sont réunis en Ouganda, à l’occasion d’une semaine de l’apprentissage sur les partenariats entre gouvernements et OSC.
Ensemble, ils ont participé à des sessions plénières interactives et visites de terrain, examiné des approches innovantes et forgé des synergies qui améliorent la transparence, l’équité et le développement durable du secteur foncier.
Pendant cet événement, nous avons identifié des alliés gouvernementaux possibles en Ouganda, au Cameroun, au Burkina Faso, à Madagascar, en Colombie et en RDC. Ces acteurs joueront un rôle clé pour nous aider à maintenir les droits fonciers au premier rang des priorités des gouvernements. La Vice-Présidente de l’Ouganda, Jessica Alupo, est sortie de l’événement avec l’envie de le faire.
participants
communautés au Kenya
L’Ouganda était le deuxième de deux échanges de connaissances organisés en Afrique pendant cette période. En octobre 2023, 190 défenseurs et défenseuses des droits fonciers de toute l’Afrique se sont réunis au Kenya pour renforcer leurs efforts en faveur d’une justice climatique axée sur l’humain et pour résister aux initiatives de conservation forteresse qui déplacent les communautés de la région.
Pendant l’échange de connaissances Afrique, nous avons partagé des expériences et stratégies visant à renforcer le rôle des femmes et des jeunes dans le plaidoyer en faveur des droits fonciers, à accroître la résilience communautaire, à optimiser la gestion des terres et à stimuler le développement économique.
Les participants ont reconnu le besoin d’une collaboration continue et conjointe entre différentes parties prenantes, telles qu’organismes gouvernementaux, ONG et communautés. Ils se sont donc engagés à établir des plateformes de partage d’expériences réussies et de leçons tirées entre pays africains engagés dans la conservation communautaire.
« Les personnes issues de tout le continent africain qui partageaient mes valeurs ont été une source d’inspiration pour moi, en ma qualité de représentante de la communauté autochtone Yaaku. Cet événement nous a donné un forum pour partager nos difficultés et réussites en matière de conservation et de droits fonciers, et j’y ai appris des stratégies précieuses que je peux rapporter chez moi. »
Racheal Malka Mpeletion, représentante de la communauté autochtone Yaaku
Les jeunes de notre réseau se sont rassemblés pendant notre échange de connaissances de mai 2023 à Bali, en Indonésie. Organisé en collaboration avec la Tenure Facility, la Coalition for Tenure Justice Indonesia et l’Institut Samdhana, cet échange mondial de connaissances a réuni plus de 120 participants, dont 20 membres de l’ILC.
Pendant l’événement, les participants ont élaboré des stratégies pour améliorer l’inclusion des femmes, des jeunes et des groupes marginalisés dans la sécurisation des droits fonciers et favoriser la mise en place d’espaces de dialogue entre les communautés locales et les représentants des gouvernements. Dans un moment clé d’apprentissage, plus de 60 jeunes se sont rendus dans des communautés de Java, du Nusa Tenggara occidental et de Bali, pour en apprendre davantage sur les difficultés rencontrées par un peuple qui a toujours vécu en harmonie avec son environnement. Ils y ont rencontré Suyitno et Nuraini, un défenseur et une défenseuse des droits fonciers et environnementaux de Pancer, au Java oriental, qui luttent pour protéger les magnifiques récifs coralliens de Pancer contre les opérations minières dans la zone.
« Notre combat s’est transformé en lutte pour préserver notre mode de vie et protéger l’environnement. Je prends beaucoup de risques et je fais beaucoup de sacrifices. Pourquoi? Pour les générations futures qui ont besoin d’un environnement sain et propre »
nous explique Nuraini.
participants
communautés
Après avoir partagé leurs expériences, recherché des solutions et avoir exprimé leur solidarité les uns pour les autres, de jeunes leaders de l’ILC se sont rassemblés pour former un Groupe de référence sur les terres. Entre 2023 et 2024, ce groupe a joué un rôle déterminant dans l’élaboration de solutions dirigées par des jeunes dans les espaces consacrés au climat et à la nature, en particulier à la Semaine pour le climat de l’Asie et Pacifique 2023, à l’occasion de laquelle il a organisé un débat hybride sur la création d’espaces pour permettre aux jeunes en Asie de diriger les solutions climatiques, dont les principaux porte-paroles étaient six jeunes leaders.
Ces trois dernières années, nous avons travaillé dur non seulement en Asie, mais partout dans le monde, pour créer des espaces permettant aux jeunes de remettre en cause le statu quo sur leurs luttes pour les droits fonciers.
Des jeunes se sont rassemblés dans le cadre du Programme 2023-24 pour le leadership des jeunes pour renforcer leurs initiatives de plaidoyer en faveur des droits fonciers, du climat et des droits des femmes. Leurs priorités, qui diffèrent peu de celles de María Elena Quimbiamba sur la conservation dirigée par la communauté en Équateur ou de celles de Reng Young Mro contre l’accaparement des terres au Bangladesh, serviront de fondement à l’avenir de l’ILC.
La promotion 2023-2024, comptant 23 boursiers et boursières, s’est agrandie par rapport à celle de l’année précédente, qui en comptait 21.
Pendant l’initiative de 18 mois dirigée par de jeunes leaders de plus de 30 organisations membres de l’ILC, ils ont appris ensemble à utiliser un campus numérique, dans le cadre d’ateliers de gestion de projet et de leadership, de coaching individuel et de 22 projets d’innovation financés par l’ILC.
Le programme axé sur le genre comprend également une série d’événements mondiaux et régionaux conçus pour amplifier les voix des jeunes dans le domaine de la gouvernance foncière et favoriser la reconnaissance de l’importance de l’inclusion des jeunes au sein de l’ILC. Début 2024, les jeunes participants se sont réunis pour la première fois pendant un atelier d’une semaine en Thaïlande, créant des accords et alliances communs.
Il est revigorant de voir que les boursiers prennent déjà les devants dans les principaux espaces de plaidoyer du monde (y compris les semaines pour le climat et les COP des Conventions de Rio), où ils ont communiqué les points de vue des jeunes, consolidant ainsi leur rôle de leaders d’opinion. Kantuta Conde, jeune défenseuse bolivienne des droits fonciers et membre du programme 2021-2022 pour le leadership des jeunes, a fait connaître sa lutte pour les droits fonciers autochtones dans le cadre de la campagne « She Should Make The News » de Land Rights Now!, pendant la COP27. Elle y a transmis un message fort:
« Les peuples autochtones ne sont pas des victimes. Les jeunes autochtones sont les gardiens de l’action climatique. »
« Nos problèmes de droits fonciers ne sont pas foncièrement différents », affirme Doris Munyingi, jeune boursière et coprésidente de l’ILC qui travaille avec Groots, Kenya. « Ils sont très similaires partout dans le monde, c’est juste qu’ils se présentent sous différentes formes. Et nous pouvons désormais agir ensemble! »
Doris Munying
L’apprentissage collectif sur la justice de genre est l’une de nos initiatives les plus importantes entreprises pour briser les cycles d’injustice entre les genres au sein de notre coalition et de nos partenariats.
Au cours du dernier triennat, pendant une série de laboratoires d’apprentissage sur la justice de genre, nous avons œuvré pour accroître la sensibilisation, remettre en cause les normes et forger des alliances pour respecter notre promesse en faveur de la justice de genre. Lors des 10 laboratoires organisés entre 2022 et 2024, les membres de l’ILC, y compris ceux du Réseau de spécialistes du genre de l’ILC, ceux du réseau Women for Women et les points focaux des examens des questions d’égalité entre les genres, ont présenté des exemples d’expériences réussies et des outils. Ces laboratoires sont essentiels pour faire avancer les initiatives de justice de genre qui peuvent aider à créer des cultures professionnelles sensibles à la dimension de genre et des espaces sûrs pour tous et toutes, ainsi qu’à soutenir la participation et le leadership des femmes. Des laboratoires clés ont inclus des approches transformatrices en matière de genre, certains ont axé leur travail sur les meilleures pratiques en matière d’examens internes des questions d’égalité entre les genres et de rapports externes CEDAW, tandis que d’autres luttent contre les questions émergentes en matière de justice de genre, comme les approches non binaires dans le secteur foncier et la décolonisation du féminisme.
« Les organisations populaires et des peuples doivent se rassembler pour échanger des idées, éduquer les femmes sur leurs droits et se mobiliser pour former un front uni »
Diocelinda Iza, Laboratoire d’apprentissage sur la décolonisation du féminisme